Vasectomie, pilule, slip chauffant, les méthodes contraceptives masculines sont en réalité variées. Pourtant, elles restent encore peu utilisées. Alors où en est-on en terme de contraception masculine en France ? Pourquoi peut-elle effrayer ? Éléments de réponse et dédiabolisation d’un sujet parfois tabou avec Pierre Colin, cofondateur de l’Ardecom (Association pour la recherche et le développement de la contraception masculine).
Aujourd’hui, quelles sont les méthodes de contraception masculine existantes ?
Pierre Colin : “Deux méthodes officielles et non définitives existent aujourd’hui. Il y a d’abord la pilule du docteur Soufir, qui a été validée par l’OMS. Il existe aussi la méthode thermique du docteur Mieusset. Le problème est que cette méthode n’a pas encore pu être industrialisée et produite à grande échelle. Le relais a donc été pris par deux groupes proposant une fabrication artisanale de “joke strap”. Un à Concarneau et l’autre à Toulouse.”
Quels sont les freins qui peuvent bloquer les hommes dans leur gestion de la contraception ?
P.C : “Il y a plusieurs facteurs. La sociologue Cécile Ventola avait en partie expliqué le phénomène par la politique nataliste de développement après la guerre de 14-18, qui est ensuite restée dans les esprits. Il y aussi le fait que la vasectomie soit encore très peu répandue en France. À titre de comparaison, on en réalise 200 fois moins qu’au Canada. Enfin, il y a aussi le machisme répandu, l’idée que les hommes doivent toujours être prêts à éjaculer. Dans l’imaginaire collectif, les seules contraceptions sont le préservatif et le retrait. Avec d’autres méthodes, vient cette crainte de ne plus avoir d’érection ou de ne plus éjaculer. Tout ça participe à cette “peur” de la contraception.”
Cela vous paraît important de partager la contraception dans le couple ?
P.C : “C’est très important ! Il y a dans cette démarche un aspect essentiel, au-delà du plan médical, celui de la libération de la pensée. Une vision des relations et de la sexualité qui va plus loin que la domination masculine et la pénétration. Je l’ai toujours ressenti comme quelque chose de libérateur et de positif.”
Vous avez fondé l’Ardecom en 1978, avez-vous, depuis, constaté une évolution de la mentalité vis-à-vis de la contraception masculine ?
P.C : “Oui, je sens que c’est en train de monter. Il y a des groupes d’échanges qui ont lieu deux samedis par mois et les jeudis. Et on voit qu’il y a de plus en plus de gens qui viennent. Pas que des hommes seuls d’ailleurs. Beaucoup s’y rendent en couple. Ce sont souvent des couples assez jeunes, où la femme prend la pilule depuis plusieurs années et pousse son partenaire.”
La parole se libère donc ?
P.C : “Du côté des femmes, l’expression du manque de confiance diminue, depuis environ 2012 je dirais. On voit aussi émerger de plus en plus un dialogue au sein des jeunes couples. Les femmes parlent des désagréments de leurs moyens de contraception, et les hommes de leur besoin de se prendre en charge. Des progrès ont été faits mais il y a encore du travail à faire !”